Le 25 mars dernier, le Mali enregistrait ses deux premiers cas de Covid-19. Il s’agissait de deux Maliens rentrés de France mi-mars. Le pays était parmi les rares pays d’Afrique à ne pas avoir officiellement déclaré de cas de Covid-19, contrairement aux sept pays frontaliers. Depuis cette date, la pandémie se propage et l’impact économique pourrait entraîner le pays dans la récession, une première depuis 25 ans. Pour éviter cette récession économique, le gouvernement devait apporter des réponses fortes.

C’est pourquoi, le Président de la République, lors de son allocution du 10 avril 2020 a déclaré un certain nombre de mesures. Celles-ci prévoient la mobilisation de 500 milliards de FCFA pour faire face à la pandémie; la mise en place du programme « un malien un masque lavable » ; la gratuité des taxes sur la facture d’électricité des personnes vulnérables pendant 3 mois ; un fonds spécial de 100 milliards de FCFA pour les « familles les plus vulnérables » ; la distribution de seize mille tonnes d’aliments aux populations les plus démunies ; l’abandon de 3 mois de son salaire et 2 mois de salaire pour le Premier Ministre, ainsi qu’un mois de salaire pour les autres membres du gouvernement.

Cependant, si ces mesures aideront à atténuer les conséquences économiques de la pandémie sur l’économie malienne, elles apparaissent insuffisantes, voire inefficaces pour éviter une récession. Cela parce que l’économie malienne fait face à plusieurs problèmes structurels 

Les conséquences du Covid-19 associées au manque de diversification économique pourraient plonger l’économie malienne dans une récession 

Le taux de croissance de l’économie malienne stagne entre 5 % et 6 % en moyenne sur la période 2000-2019. Le Mali a enregistré une croissance de 5 % l’an dernier. Celle-ci est portée par une production soutenue d’or et de coton.  Le déficit budgétaire est de 3,1 % du PIB contre 2,1 % pour la moyenne de l’UEMOA. On note aussi une inflation de 0,4 %. L'endettement public était de 35,5 % du PIB en fin 2018. Le Mali a adopté en mars 2019 un Cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable 2019– 2023 et travaille à la mise en œuvre du Plan de réforme de la gestion des finances publiques 2017–2021.

Cependant, le pays ne possède pas une bonne structure économique pouvant amortir les effets négatifs de cette pandémie du Covid-19, compte tenu des problèmes de diversification de son économie. Ces problématiques de diversification pourraient également engendrer des pertes significatives. En effet, le Covid-19 rime avec l’impact de la chute des cours mondiaux des matières premières et la réduction de la demande internationale provoquée par la récession mondiale. Une situation aggravée par la chute de la production industrielle dans les pays fortement industrialisés, notamment le États-Unis, la Chine et certains pays européens. En conséquence, le Mali continue de prendre de plein fouet la chute depuis plusieurs années des cours des matières premières. L’économie est fortement dépendante de l’or et du coton (86 % des exportations) et les chaînes de valeur sont faiblement développées (3 % du coton est transformé).

En raison de sa faible diversification, l’économie est dépendante des prix de ces produits de base sur les marchés internationaux. L’accumulation d’arriérés de paiement au titre de la dette intérieure constitue, par ailleurs, un risque de blocage de l’activité économique et du secteur privé. Le Covid-19 pourrait, en effet, avoir de lourdes conséquences sur l’activité économique entraînant une perte de croissance économique à l’ordre de 2 points du PIB. Les transactions ralentissent et les restrictions commerciales deviennent pesantes.

« En effet, le Covid-19 rime avec l’impact de la chute des cours mondiaux des matières premières et la réduction de la demande internationale provoquée par la récession mondiale. »

Le Covid-19 : une autre raison pour lancer des réformes structurelles de l’économie malienne.

D’abord, dans le secteur primaire, l’agriculture doit oblitérer son caractère itinérant sur brûlai pour se mécaniser, en vue de rendre la production céréalière, oléagineuse, et fruitière dynamique, compétitive et rentable. Cette mécanisation nécessite une formation des acteurs du monde rural dans les techniques culturales et dans l’aménagement d’espaces dans les zones irrigables et dans les bas-fonds. Ensuite, dans le secteur secondaire, il faudra construire des sociétés industrielles semi-nationales dans le domaine de la transformation des matières premières. Ce secteur est actuellement dominé par des industries extractives, des boulangeries, des petites unités de transformation de quelques produits agricoles et de quelques unités artisanales. Le secteur industriel, pour qu’il stimule la croissance économique pour atteindre une croissance à deux chiffres tant souhaitée, nécessite une bonne structuration et diversification de l’économie susceptible de satisfaire les besoins de la consommation nationale et de promouvoir les exportations. Enfin, dans le secteur tertiaire, l’Etat doit inciter les commerçants à acheter les produits locaux au détriment des produits importés. Ces incitations peuvent être d’ordre fiscal en baissant les taxes et les impôts sur les produits locaux contre une augmentation sur les produits importés. Il s’agit de promouvoir les productions agricoles et industrielles nationales pour créer une nouvelle dynamique de développement socio-économique du pays.

Dans l’urgence, l’Etat doit accentuer ses efforts pour aider massivement les plus démunies particulièrement  les acteurs du secteur informel. Il doit également reporter les échéances fiscales pour les petites et moyennes entreprises et voter un budget post-Covid-19, afin d’aider les entreprises à relancer leurs activités. De surcroît, il faut impérativement une réforme économique post-pandémie, s’inscrivant dans une stratégie de relance économique et de création d’industries semi-nationales susceptibles de représenter les fleurons de l’économie malienne par secteur d’activité. Par ailleurs, il faudra miser sur la qualité des produits agricoles et promouvoir le « made in Mali ». Enfin, l’avenir nous le dira si l’Etat sera à la hauteur du Covid-19 et prendra conscience d’un véritable développement socio-économique du pays.

Amadou SY , consultant en Diagnostic Economique

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