Ouvert sur le monde depuis des millénaires, notamment grâce aux légendaires routes commerciales sahariennes, le Mali représente encore de nos jours, en dépit du contexte sécuritaire particulièrement difficile, le pays où l’on ne cesse d’entreprendre, de créer et d’échanger avec le reste du monde.  Les artisans de son économie disposent, à bien des égards, de leurs propres pratiques et approches en matière d’intelligence économique (IE).  Des familles de commerçants aux professionnels de savoir-faire artisanaux, en passant par les petits et moyens industriels, l’analyse de chaque acteur économique révèle une façon tacite de la pratique de l’Intelligence économique.

Toutefois, les conjonctures actuelles de la mondialisation, notamment la mutation du management, la féroce concurrence entre acteurs économiques, ainsi que le développement spectaculaire de l’information à l’échelle internationale mettent la lumière sur la nécessité de renforcer les acteurs économiques du Mali par le biais des apports qu’offre l’intelligence économique.  Avant d’évoquer ces apports, il convient d’emblée de rappeler ce que nous entendons par l’intelligence économique. 

Intelligence économique (IE) en question

Ayant d’abord émergé dans le monde anglo-saxon, précisément aux États-Unis, l’intelligence économique rencontre un succès considérable dans le monde francophone. D’abord en France, sa pratique s’est progressivement imposée dans les grands centres de décisions économiques, financières et stratégiques. Ensuite, quelques États africains francophones, notamment la Côte d’Ivoire et le Sénégal intériorisent la pratique de l’IE à travers la création de dispositifs publics d’intelligence économique. 

Elle renvoie, dans sa conception générique et globale, à « la maîtrise et la protection de l’information stratégique pour tout acteur économique ». Competitive intelligence en anglais, l’IE a pour finalité la compétitivité et la sécurité des entreprises. Pour atteindre sa première finalité, elle offre à l’agent économique non seulement le savoir-faire de management stratégique de l’information, mais aussi les stratégies d’influence particulièrement offensives, en vue de la maitrise de son secteur d’activité. S’agissant de sa seconde finalité, l’IE permet aux acteurs économiques d’adopter une démarche de sécurité économique, en prenant des mesures de protection raisonnables appelées les stratégies défensives. 

 Ainsi, dans sa pratique régulière, elle aide l’entreprise, voire une administration publique à répondre non seulement aux grands défis de la mondialisation, mais également à ceux de la circulation sans précédent de l’information à l’échelle internationale. Dans cette perspective, elle confère à un décideur économique une connaissance de son environnement concurrentiel et pertinent sans laquelle sa compétitivité sera compromise.

Intelligence économique comme outil de compétitivité économique du Mali

  Dans le contexte actuel du Mali, l’intelligence économique peut constituer un puissant outil de compétitivité économique, et par ricochet, de celle des entreprises. Outre l’absence d’une politique publique d’intelligence économique, le secteur privé rencontre un certain nombre de difficultés freinant sa dynamique. S’agissant dans un premier temps de ce dernier, les difficultés auxquelles il peine à faire face sont, entre autres, selon le N° 78 de la lettre du patronat du Mali, « les problèmes de sécurité juridique, les mauvaises pratiques concurrentielles, les difficultés d’accès aux partenariats, ainsi que les problèmes liés aux financements des PME et aux procédures de création d’entreprises.« 

Quant à l’État malien dans un second temps, contrairement à ses voisins sénégalais, ivoiriens et Burkinabé,n’a aucune véritable politique publique d’IE. Or, l’économie malienne est insérée à la fois dans un espace économique communautaire (CEDEAO) et international dans lequel la concurrence est féroce. Par ailleurs, la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) représente un enjeu majeur pour les entreprises maliennes. Par exemple, en termes de compétitivité, notamment sur le seul plan de régionalisation, les entreprises maliennes accusent un gros retard. Par conséquent, l’État doit aller au-delà de quelques actions pour aider le secteur privé à se développer à travers une véritable politique publique d’IE. Celle-ci visera à protéger et développer les secteurs stratégiques de son économie. Tout cela, dans une vision claire de la place du Mali et de son économie dans le monde et dans sa communauté économique et politique africaine.

« Quant à l’État malien dans un second temps, contrairement à ses voisins sénégalais, ivoiriens et Burkinabé, n’a aucune véritable politique publique d’IE. Or, l’économie malienne est insérée à la fois dans un espace économique communautaire (CEDEAO) et international dans lequel la concurrence est féroce »

 Dans un troisième temps, au regard de son histoire, de sa diversité culturelle, du potentiel de ses ressources naturelles, de ses savoir-faire artisanaux et de sa position géographique au cœur de l’Afrique de l’Ouest, le Mali dispose d’un grand trésor qu’il doit exploiter dans le cadre de son développement durable, soutenu et inclusif. Ce développement doit s’inscrire dans une double stratégie parallèle. Celle de l’attractivité pour la promotion des investissements et celle de l’influence du Mali. Malheureusement, si des initiatives existent, elles souffrent de l’inefficacité de l’intelligence collective et de visions stratégiques à long terme.

Dans un dernier temps, le Mali est confronté depuis plusieurs années à la question de sécurité et de défense, plus singulièrement le terrorisme. L’intelligence économique, en appliquant à la fois des méthodes relevant du renseignement militaire et économique, permet de renforcer les dispositifs déjà existants de lutte contre le financement du terrorisme, mais aussi et surtout, du blanchiment et la criminalité économique organisée.

Enfin, c’est en connaissant les rôles de l’intelligence économique dans la compétitivité des entreprises et, plus largement dans celle d’une économie nationale, notamment pour accompagner les acteurs économiques à affronter les difficultés ci-dessus mentionnées que nous avons décidé de créer Soonni au Mali. Il s’agit, dans un esprit d’entrepreneuriat et face à la circonstance actuelle de l’économie malienne, de prendre le meilleur de ce qui se fait dans le monde et l’adapter à nos contextes particuliers.

Amadou BATHILY est politologue & analyste d’intelligence économique. Co-fondateur du cabinet d’intelligence économique SOONNI au Mali, il s’intéresse aux questions de défense & sécurité, et de renseignement économique. contact : amadou.bathily@soonni.com

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